Pourquoi soutenir les éditeurs indépendants ?
Dans les coulisses de l’édition indépendante #1
A la fin du mois s’ouvre un salon du livre pas tout à fait comme les autres. Le salon L’Autre Livre vous donne RDV le 26, 27 et 28 novembre 2021 à l’Espace des Blancs-Manteaux, à Paris. Les éditeurs indépendants y seront présents. L’association L’Autre Livre vous offre ainsi la possibilité de découvrir plus de 3000 livres d’éditeurs indépendants. C’est un moment très important pour les petits éditeurs, car leurs livres ne sont pas souvent mis en avant par la presse ou les libraires.
Savez-vous combien d’éditeurs indépendants il existe en France ?
Selon le Syndicat national de l’édition (SNE), on en dénombre environ dix mille en France. Et sur ces 10 000 maisons d’édition, vous en connaissez combien ?
Et avez-vous déjà entendu parler de ces petits éditeurs tels que La tête ailleurs, Paulhan, Ver à soie, Editions Antidata, Editions du Sandre, Editions des Grands Champs, Editions Al Manar, Editions Le Passager clandestin, Editions Otrante, etc. ?
Pas étonnant ! Il est si rare de croiser les petits éditeurs indépendants. Il y a bien ce salon qui nous est consacré depuis 2002, « L’Autre Livre » dont la prochaine édition se tient dans quelques semaines. Mais c’est loin d’être suffisant pour que la presse s’intéresse à leur catalogue.
En fait, ce « salon des indépendants », malheureusement peu médiatisé, est organisé chaque année en novembre dans le 4e arrondissement de Paris. Venez nous soutenir ! Ça vaut le détour. Les stands sont accessibles au plus grand nombre, même pour les plus petits éditeurs.
L’Autre Livre est un tout petit salon comparé au salon « Livre Paris », au Parc des expositions de la porte de Versailles. En effet, seule une infime poignée d’éditeurs a la possibilité d’aller au « Livre Paris ». Pourquoi les éditeurs indépendants ne peuvent-ils pas y aller ? Tout simplement parce que les prix des stands y sont exorbitants pour les petits éditeurs indépendants.
A quoi reconnaît-on un éditeur indépendant ?
Certainement pas à leur catalogue ! Les éditeurs indépendants publient de tout, des romans, des BD, des romans historiques, de la poésie, des livres jeunesse, des beaux livres, des témoignages, etc.
Si on prend le panel des exposants de L’Autre Livre, disons que les indépendants appartiennent à une même famille d’esprit : une passion pour la liberté de création, un goût pour l’indépendance et un dynamisme exceptionnel. L’association L’Autre Livre compte ainsi 280 adhérents.
Autre différence, fondamentale : près 60 % des adhérents de L’Autre Livre font de l’auto-diffusion. Autrement dit, leurs livres ne sont pas promus auprès des libraires par les équipes commerciales d’une grande structure. Les éditeurs indépendants ne font pas des tirages suffisamment importants pour pouvoir rémunérer des représentants qui iraient défendre leur catalogue en librairies.
Les éditeurs indépendants font des choix de développement respectueux de l’environnement. Ils optent pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Ainsi, les tirages maîtrisés des éditeurs indépendants permettent d’éviter le « pilon », c’est-à-dire la destruction des livres au bout de quelques mois lorsqu’ils ne sont pas vendus. Certes les éditeurs indépendants sont bien moins présents en librairies, mais ils ne font pas de la surproduction.
Comment savoir si cette maison d’édition appartient à un groupe éditorial ?
En effet, un éditeur indépendant n’appartient pas à un groupe éditorial ! Son modèle économique est donc différent de celui de l’industrie du livre. Les éditeurs indépendants conçoivent le livre avant tout comme un bien culturel et social.
Voici la liste de tous les éditeurs non indépendants qui appartiennent en réalité aux mastodontes de l’édition :
- Editis : environ 50 éditeurs dont Robert Laffont, Belfond, Sonatine Editions, Plon ;
- Hachette Livre en France : environ 60 éditeurs dont Grasset, JC Lattès, Calmann Levy ;
- Groupe Madrigall : environ 20 éditeurs dont Gallimard, Editions Verticales, POL (leur page n’est pas à jour puisqu’ils ont racheté les éditions de Minuit en juin dernier)
Et pour complexifier l’affaire, les groupes éditoriaux multiplient les filiales, les collections, les logos, les marques… Par conséquent, c’est tout à fait normal si vous vous sentez un peu perdus.
La forte concentration de l’édition française instaure un écosystème fragile pour les maisons d’édition indépendantes. Et la concentration va encore s’intensifier avec l’OPA de Bolloré en septembre 2021. Editis et Hachette livre vont fusionner. Du mastodonte, on passe à la galaxie. Vous l’aurez donc compris, les éditeurs indépendants sont de minuscules fourmis…
C’est pourquoi le soutien des lecteurs pour les éditeurs indépendants est d’autant plus précieux.
Le plus simple pour savoir si cet éditeur est indépendant, c’est donc de regarder la liste des adhérents de l’association L’Autre Livre.
Pourquoi les éditeurs indépendants font-ils ce métier ?
Derrière ces maisons d’édition indépendantes se cachent des femmes et des hommes qui consacrent leur vie aux livres. Ils ne gagnent pas grand-chose à faire ce métier et perdent parfois beaucoup d’argent. Le risque financier dans la publication du livre repose uniquement sur l’éditeur. En effet, le libraire dispose d’un atout exceptionnel dans le monde du commerce : il a la possibilité de retourner les exemplaires invendus.
La plupart des éditeurs indépendants ont donc un métier supplémentaire, ou plusieurs, ou alors ils sont retraités.
Qu’est-ce qui pousse tant d’éditeurs à se lancer dans une telle précarité ? La passion évidemment ! Souvent les éditeurs indépendants sont d’anciens éditeurs qui travaillaient pour de plus grandes maisons d’édition auparavant, et ils décident à un moment ou à un autre de voler de leurs propres ailes, de faire leurs propres choix éditoriaux.
Certains aussi aiment travailler seuls. Moins de contraintes, moins de pression, plus de libertés.
Bien souvent, ce sont les éditeurs indépendants qui prennent les plus grands risques. Ils acceptent de publier des auteurs inconnus du grand public.
Les éditeurs indépendants aiment le risque, le jeu, l’incertitude. Ils sont travaillés par ce besoin irrépressible de réinventer leur existence, de laisser une trace (de papier) derrière eux. Les éditeurs indépendants pratiquent une forme particulière d’ascèse : l’aventure.
La légèreté des structures indépendantes autorise aussi cette prise de risques, alors que les groupes éditoriaux ne peuvent pas se le permettre s’ils veulent tenir leur chiffre d’affaires. L’édition est par nature une industrie de prototypes, c’est un métier de joueurs. Or, dans les grandes maisons d’édition, la prise de risques est tellement contrôlée que les nouveaux auteurs ont du mal à se frayer un chemin jusqu’au sommet.
Comment aider les éditeurs indépendants ?
Vous vous sentez solidaires de l’édition indépendante ? Comment les aider ?
- Soyez curieux. La presse ne parlera pas (ou peu) des catalogues des éditeurs indépendants. Suivez-les sur les réseaux sociaux pour vous tenir informés de leur prochaine parution. Abonnez-vous à Alterlibris, la librairie solidaire des éditeurs associatifs.
- Commandez leurs livres. Pour trouver les livres des petits éditeurs indépendants, il est parfois plus simple de les commander chez l’éditeur directement. Quelques libraires sont solidaires aussi : n’hésitez pas à commander le livre chez eux. Même si votre libraire ne l’a pas dans ses rayons, il sera livré en quelques jours à peine.
- Partagez vos coups de cœur. Parlez autour de vous des livres d’éditeurs indépendants que vous avez lus ! La presse ne s’intéresse que très rarement à ces maisons d’édition. Alors notre meilleur atout, c’est encore le bouche-à-oreille.
Vive la bibliodiversité !
Si vous souhaitez soutenir les éditions Aldeia, maison d’édition indépendante, recommandez-nous à vos ami·e·s.