Podcast Cordel #5 Laura Esquivel
Cordel, le podcast consacré aux femmes de Lettres
Aujourd’hui, partons sur les traces de Laura Esquivel.
Laura Esquivel est une écrivaine mexicaine rendue célèbre pour son roman Chocolat amer. Considéré aujourd’hui comme un classique de la littérature latino-américaine, ce roman a été traduit en trente-cinq langues, et a été adapté au cinéma sous le titre Les épices de la passion.
L’histoire tragique de Tita et Pedro, les Roméo et Juliette au Mexique
Chocolat amer est un récit épicé et haut en couleurs, qui mélange parfums et saveurs au début XXᵉ siècle dans un Mexique en pleine tempête révolutionnaire.
Une tradition familiale obscure oblige Tita à rester au service de sa mère toute sa vie. Hélas, la plus jeune fille est amoureuse de Pedro, et c’est réciproque. La mère de Tita, autoritaire, violente, méchante et sadique, va faire en sorte que Pedro épouse la sœur de Tita, Rosaura.
Un roman documentaire et livre de cuisine, emprunt de Réalisme magique
À cette intrigue empruntée à la littérature sentimentale, Laura Esquivel mêle des recettes de cuisine. Tita possède d’étranges talents culinaires: ses cailles aux pétales de roses ont un effet aphrodisiaque par exemple. L’auteur insère tous les détails de ces recettes de cuisine. Peut-être qu’elle a d’ailleurs inspiré La couleur des sentiments de Kathryn Stockett qui insère dans son récit des conseils ménagers. Laura Esquivel laisse une grande place aux tâches domestiques dans son récit. C’est original et déroutant !
Chocolat amer se rapproche aussi du roman historique par tout l’aspect documentaire de la vie quotidienne du début du XXᵉ siècle au Mexique. L’auteur dépeint aussi en toile de fond la révolution.
Mais, ce qui est particulièrement intéressant chez Laura Esquivel, c’est qu’elle s’inspire du Réalisme magique. L’exemple le plus souvent cité comme le modèle parfait de ce type de récit est Cent ans de solitude du colombien Gabriel García Márquez.
Dans les romans emprunts de réalisme magique, l’imaginaire fait partie de la réalité et la frontière entre les deux est abolie. L’intervention du paranormal ou du surnaturel dans l’œuvre n’est pas remis en question par les personnages, comme si ces bizarreries, des étrangetés et des mystères allaient de soi !
Tout ce qui est irrationnel ne crée pas des angoisses, comme c’est le cas dans le fantastique. Tita ne se rend même pas compte des ses pouvoirs culinaires paranormaux. Dans Chocolat amer, la magie fait partie du quotidien, elle n’est pas issue d’un monde parallèle ou imaginaire, comme on le retrouve dans la fantasy et le merveilleux.
Chocolat amer : Laura Esquivel écrit une ode à l’art culinaire et aux saveurs mexicaines
Quand tu es très en colère au Mexique, tu peux dire « je suis comme de l’eau pour du chocolat ». Voilà comment l’auteur a choisi le titre de son célèbre roman. L’auteur s’inspire des vieilles traditions et des coutumes mexicaines.
Laura Esquivel défend l’art culinaire qui se transmet de génération en génération et qui ne s’apprend pas à l’université. Elle défend par son écriture les savoirs vernaculaires. Elle veut redonner de l’espace à cette cuisine qui nous rappelle nos grands-mères. Peu importe les recettes finalement, ce qui compte c’est cet espace de vie et de saveurs autour de la table.
Du cinéma à la littérature : une écriture cinématographique avant l’heure
Le parcours de Laura Esquivel est assez étonnant. Son envie d’écrire des romans est parti de son ras-le-bol de voir ses scénarios déformés par des producteurs. En effet, en tant que scénariste pour le cinéma, elle n’avait pas le dernier mot. Elle explique dans une interview à l’Université nationale autonome de Mexico que seul le roman lui offrait la liberté de raconter une histoire sans pression extérieure et sans coupes ou mutilations de son récit.
Pour aller plus loin :
- Chocolat amer, Gallimard / Folio, 1989
- Vif comme le désir, Gallimard / Folio, 2001
Pourquoi appeler ce podcast Cordel ?
C’est une référence à la littérature de Cordel. Celle-ci se développe à partir des traditions narratives orales des populations amérindiennes et des Africains arrivés par la traite négrière. Au XIXe siècle, au Brésil, cette littérature de Cordel se matérialise par l’impression artisanale de fascicules de poésies populaires appelés « folhetos ». Ces petits livrets se vendaient sur les marchés, épinglés sur des rangées de ficelles ou de cordes. Ainsi, ce nom de podcast est un hommage à la littérature d’Amérique latine. Il s’avère que la collection « Périple » de la maison s’intéresse aux textes venus d’ailleurs, aux auteurs encore inconnus en France, et plus particulièrement aux écrivains d’Amérique latine.
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